De la Françafrique à la Chinafrique

Publié le par Jean-Claude Péclet

Le président sud-afrricain Jacob Zuma avec son homologue chinois Hu Jintao. (AFP)
Le président sud-afrricain Jacob Zuma avec son homologue chinois Hu Jintao. (AFP)


Quelle est, 50 ans après l’indépendance formelle accordée à 17 pays africains, la marge de manœuvre réelle du continent? La question a traversé en filigrane les débats du Salon africain à Genève et montré que les positions restent tranchées

A main gauche, le sociologue Jean Ziegler observe que sur 53 Etats africains, très peu sont capables d’affronter la «cosmocratie», qui contrôle la «bourgeoisie mercenaire et kleptocrate» à la tête des autres. Son fils Dominique, metteur en scène et auteur de N’Dongo revient, s’érige en censeur: la simple évocation de la responsabilité des dirigeants africains actuels relève d’une «dérive dangereuse» – «comme si on rendait les juifs coresponsables des crimes commis par les nazis». Il faut dénoncer le génocide colonial et ses avatars «néo», tout en saluant «la vitalité extraordinaire de la société civile africaine».

Système néocolonial

L’économiste sénégalais Demba Moussa Dembele affiche une position voisine. Pour lui, «il n’y a pas eu de véritable indépendance», et le système néocolonial se perpétue à travers le contrôle de la Banque mondiale et du Fonds monétaire. Et de citer l’exemple de la République démocratique du Congo, amenée à renégocier un contrat passé avec la Chine suite à la pression de ces deux institutions. «Les leaders africains rebelles ont été éliminés, restent les dociles», poursuit-il. La Françafrique, même affaiblie, manifeste encore sa poigne, notamment au Sénégal.

Le journaliste Stephen Smith, qui enseigne aujourd’hui aux Etats-Unis, refuse ces analyses. «Houphouët-Boigny et les autres n’étaient pas des larbins. Le Sénégalais Abdoulaye Wade avait une marge de manœuvre quand il a pris le pouvoir en 2000. Qu’en a-t-il fait? Si on noie tout dans le mal universel et les théories du complot, on nie les différences, on enlève les possibilités d’agir.»

L’exemple du Botswana

Pour Gilles Carbonnier, rédacteur en chef de la Revue internationale de politique de développement, les différences existent. Dans une Afrique à la traîne, le Botswana a connu une croissance moyenne annuelle de 10% depuis 1960 – mieux que certains «tigres» asiatiques – et une faible corruption grâce à des structures traditionnelles moins bousculées par le colonialisme. Quant à la «malédiction des ressources» qui gangrène nombre d’Etats pétroliers ou miniers, poursuit-il, son issue dépendra à la fois des contre-pouvoirs internes qui se structurent lentement et des contre-pouvoirs extérieurs devenus très actifs en Afrique, Chine en tête: «Aujourd’hui, Kabila (président de la RDC, ndlr) peut vendre ses minerais à qui il veut.»

Publié dans AFRIQUE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article